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Une histoire de burn out. Episode 1

La définition du burn out


L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a mis à jour la définition du burnout ou épuisement professionnel dans la 11e révision de la Classification internationale des maladies (CIM-11) qui a été adoptée en mai 2019 et est entrée en vigueur en janvier 2022.


Voici la définition du burn out donnée par l’OMS :


L'épuisement professionnel est un syndrome conceptualisé comme résultant d'un stress professionnel chronique qui n'a pas été géré avec succès. Il se caractérise par trois dimensions :


  1. Des sentiments d'épuisement ou de fatigue ;

  2. Une distance mentale accrue par rapport à son travail, ou des sentiments de négativisme ou de cynisme liés à son travail ;

  3. Un sentiment d'inefficacité et de manque d'accomplissement.


Le burnout se réfère spécifiquement à des phénomènes dans le contexte professionnel et ne devrait pas être appliqué pour décrire des expériences dans d'autres domaines de la vie.

Une autre définition du burn out est celle donnée par le CSS :


Le Conseil Supérieur de la Santé (CSS) définit le burn-out comme un épuisement causé par un manque (prolongé) d’équilibre entre l’investissement de la personne et ce qu’elle reçoit en retour. Cet épuisement affecte le contrôle des émotions et les processus cognitifs, ce qui provoque à son tour des changements de comportement et d’attitude (prise de distance). Le résultat est un sentiment d’inefficacité.


Ces définitions posent un cadre mais ne constituent pas à elles seules le diagnostic d’un burn out. De multiples facteurs sont à prendre en compte. Mais dans ce premier épisode consacré au burn out, il n’est pas question de poser un diagnostic.


Je souhaite plutôt vous raconter une histoire, une histoire de burn out, inspirée de mes lectures, des enseignements que j’ai suivis, des reportages que j’ai visionnés sur ce sujet, de mon expérience de thérapeute aussi.

Il s’agit donc d’un scénario, que je raconte comme un témoignage. Il raconte une vérité, une vérité parmi d’autres…


Tout va bien


Je m’appelle Camille, j’ai quarante ans. Je travaille dans la même entreprise depuis 10 ans maintenant. J’aime mon métier. Je suis consciencieux, j’aime le travail bien fait et me sens complètement investi dans les tâches qui me sont confiées. Je m’entends bien avec mes hiérarchiques et mes collègues, je suis en confiance. Je me sens reconnu. Tout va bien, je vais bien. Je continue de travailler comme tant d’autres. Pendant ce temps, le monde continue de tourner…


Objectif performance


Ce matin, je suis convoqué avec mon équipe. J’entends que l’on me parle de concurrence, de productivité, d’efficience. Nous devons faire plus et travailler avec des objectifs de performance ! Faire plus, avec les mêmes moyens.


Le rythme de production s’accélère, m’entraîne et intensifie ma propre implication : je n’ai pas vraiment le choix, il faut bien que je m’adapte. Je ne suis pas forcément en accord avec les changements qui s’opèrent, les nouvelles procédures et les nouveaux indicateurs de performance, mais je n’ai pas mon mot à dire. Mais bon, c’est le monde du travail, “c’est comme ça aujourd’hui”.


Pourtant, je ne comprends pas toujours les décisions qui sont prises. Je m’en accommode mais je sens bien que certaines viennent heurter mes valeurs intimes et ma façon de concevoir mon métier. La pression du temps abîme mon travail : je ne parviens plus à faire bien comme avant. Cela ne me convient pas. Lorsque j’en parle avec mes collègues, beaucoup me répondent qu’il faut que je lâche prise, que bien fait ou mal fait, personne ne fait la différence.


Je m’accroche, je supporte, je me raisonne. C’est normal, “c’est le travail”, “il faut que je tienne”, “il faut que je sois fort”. Je continue de donner beaucoup, pour rester aussi performant que mes collègues, mais pour moins en retour. Moins de temps, moins de reconnaissance, moins de satisfaction du travail bien fait, moins de sens.


Je cours, parfois je tangue, je perds l’équilibre, je me raccroche, j’essaie d’oublier en pensant au we ou aux vacances. Pendant ces moments-là, je me sens bien, entouré de mes proches, loin de mon cadre de travail. Mais même avec ce contraste, je ne peux pas dire que je vais mal…


L’invisible alien


Je continue. Tous les matins, je me lève… Mais je sens bien qu’il m’est de plus en plus difficile de me lever ou d’arriver au travail à l’heure. Je fais mon travail, en même temps, ce n’est pas vraiment moi, je suis bien là mais quelque chose a changé : je ressens une forme de distance, comme si j’étais pas vraiment dans mon corps. Je fais, je cours, je tangue, je tangue… Je me sens fatigué, vidé. Mes repos ne me permettent pas de récupérer. Je continue de donner le change MAIS je commence à me demander : "combien de temps vais-je tenir ?", "comment vais-je faire ?"


Pourtant, même avec ces questions, l’incrédulité rode et le doute persiste : je ne comprends pas ce que je suis en train de vivre, il me semble distinguer un mur devant, un mur dans lequel je vais m’encastrer parce que je n’ai pas les commandes. Je me sens triste, je deviens plus irritable, et puis, j’ai de plus en plus de mal à dormir. Mon dos me fait mal. Malgré cela, j’ai du mal à réagir, je ne sais pas comment faire avec ce que je vis. C’est tellement impalpable, c’est tellement sournois : à l’intérieur de moi, comme un invisible alien qui me consume.


Mon corps, ce sauveur


Je continue. Je fais, je cours, je tangue, je tangue…


Mais ce matin, je me réveille en pleurant. Il me faut de longues minutes pour me lever. Lorsque j’y parviens et me regarde dans le miroir de ma salle de bain, je ne me reconnais plus. Je tombe. Mon corps tombe. Ma tête ne me dit plus rien. Ce matin, je n’irai pas au travail, parce que “je ne peux plus”, mon corps ne peut plus. Mon médecin généraliste me reçoit en urgence et me prescrit un arrêt de travail.


Je ne le sais pas encore, mais dans quelques temps, je remercierai mon corps : mon corps, ce sauveur.


La suite au prochain épisode...

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